Gérard Thalmann est un peintre franco-suisse, né en 1944 à Chavannes-près-Renens, Confédération helvétique, décédé à Paris en 2012.

"Mon rapport au monde passe entièrement par la peinture

Pour moi le tableau est le lieu d’une pensée visuelle où tout devrait être possible. Tout se joue sur un périmètre, une surface donnée, et c’est là la force de la peinture – qui n’a rien à voir avec la mise en scène d’une installation qui dépend de référents extérieurs à elle. J’aime que le tableau rende compte d’une fantaisie, d’une légèreté. Qu’il tende vers une harmonie mais que tout vienne du chaos. La peinture ne doit pas être une chose plaisante, facile, confortante. Plutôt un fil tendu entre le chaos et la raison. Et ce carré que j’emploie dans beaucoup de tableaux, presque comme une signature, c’est la mélancolie d’une raison harmonieuse. En même temps, il est ennui ! Le tableau est un lieu d’expérimentation pour moi. C’est avec le tableau que je peux aller le plus loin dans mon rapport individuel au monde. Il doit révéler de la manière la plus essentielle et synthétique mon rapport au temps, à l’histoire, aux personnes. Ce que je cherche, c’est que chaque tableau ait une particularité. À la manière d’un poème. Mon rapport au monde passe entièrement par la peinture, les tableaux. Tout ce que je peux communiquer, c’est mon expérience. Surtout dans notre époque consensuelle, académique où l’individu renonce à penser et à voir par lui-même. Mon tableau n’est pas fait pour des milliers de gens, mais pour rencontrer un regard, son autre, qui le fait vivre. Le tableau a une fonction décorative sur un mur, mais ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Le tableau est un moyen de connaissance. Mais bien sûr, avec la résistance de la matière, je voudrais aller plus vite que le mode artisanal propre à la peinture ne me le permet. Aujourd’hui, je pense que ce que je perçois du monde par l’approche numérique me permet de poursuivre l’aventure de la peinture avec plus de vérité, d’être plus proche du sens que je devine dans tous les instants, les moments apparemment banaux du quotidien qui sont autant de moments de grâce possibles si je suis capable de les transformer, de les rendre uniques."

Gérard Thalmann

entretien avec Marguerite Algren.

Catalogue de l’exposition La maison est à refaire,
Galerie Anton Meier, Genève, 1994.